Une poule au pot est un pot-au-feu préparé avec du bœuf et une poule farcie.
Ses variantes sont nombreuses et anciennes et tiennent essentiellement à la composition de la farce de la poule et au choix des légumes du pot.
Les recommandations délivrées par le « bon roi Henri IV » constituent l’un des plus grands mythes culinaires de notre Histoire. En voici la recette…
« La poule au pot, que le bon roi Henri voulait voir servir sur la table du paysan chaque dimanche, est un mets succulent, trop oublié en ce temps où la cuisine de haut goût tend à remplacer la cuisine rustique du bon vieux temps », écrit l’auteur de 99 manières pratiques d’utiliser le boeuf bouilli et la recette authentique de la poule au pot (1892). Elle est garnie d’une farce d’abats et d’abattis, de jambon et de lard, d’une mie de pain trempée dans du lait, assaisonnée d’épices, d’herbes, d’ail et cuite dans un bouillon. « On peut aussi y ajouter des marrons ou des pelures de truffes, mais on s’éloigne alors de la veille recette classique. » Au début du XXe siècle, l’écrivain gastronome Fulbert-Dumonteil n’hésitera pas à mettre dans la farce de sa recette des truffes noires et « quelques gouttes de vieux monbazillac ». Pour lui, la poule au pot est « un plat antique et bien français ». Henri IV « la promit à toutes les marmites du royaume. Elle est aussi célèbre que les amours du Vert Galant, que ses victoires et son panache, que la sagesse de Sully, que la bravoure de Crillon, que la beauté de Gabrielle… » Pour autant, sa poule au pot paraît bien sophistiquée pour une recette paysanne, elle correspond plus à la grande cuisine de la Belle Époque qu’à celle des campagnes de la Renaissance et du Grand Siècle.
Que savons-nous exactement de cette fameuse poule au pot ? Elle n’apparaît pas à l’époque d’Henri IV, mais à la minorité de Louis XIV, sous la plume de son précepteur, Hardouin de Péréfixe, qui rédigea une Histoire du roi Henry le Grand (1661), à laquelle fut ajouté un « recueil de quelques belles actions et paroles mémorables du roi ». C’est lors d’une discussion avec le duc de Savoie, qu’il avait mené au jeu de paume « sur les fossés du faubourg Saint-Germain », à Paris, qu’Henri IV aurait dit : « Si Dieu me donne encore de la vie, je ferai qu’il n’y aura point de laboureur en mon royaume qui n’ait moyen d’avoir une poule dans son pot. »
Royale propagande
Ces propos apocryphes sont un discours sur le pouvoir royal, ils forgent l’image du bon roi garant du bien-être de son peuple et de la subsistance de ses sujets dans un pays qui a connu les malheurs de la guerre civile. Mais ils vont devenir célèbres et créer un mythe culinaire, sujet, toutefois, à quelques transformations. L’abbé de l’Écluse des Loges rapporte ainsi dans une de ses annotations sur les Mémoires de Sully (1767) que le roi « ferait en sorte que le plus pauvre paysan pût manger de la viande toutes les semaines, et de plus mettre tous les dimanches une poule dans son pot ». En 1823, Stendhal évoque le « pauvre paysan » qui « p[u]t du moins avoir la poule au pot le dimanche ». Elle devient ainsi un plat du dimanche, et le laboureur un pauvre paysan. Cette version passe à la postérité jusque dans les manuels scolaires. Mais le laboureur est un paysan riche qui dispose de terres et de moyens de culture. Quant à la poule au pot les dimanches, elle crée « virtuellement une habitude alimentaire », comme l’écrit Madeleine Ferrières.
Au temps d’Henri IV, la poule ne semble pourtant pas être considérée comme un mets délicat, même si les volatiles, en général, ont une place de choix sur la table des élites. On lui préfère le chapon, le poulet de grains, l’oie et la dinde. Dans les campagnes, elle est gardée pour la ponte et n’est sacrifiée qu’au terme de sa vie de pondeuse. Elle est toutefois bien utile lorsque des invités arrivent à l’improviste, comme en témoigne Jean Bruyérin Champier, médecin de François Ier et d’Henri II : « Il n’y a pas de plat que l’on adore plus que la poule lorsque des amis arrivent à l’improviste : c’est pourquoi il existe de nombreuses recettes pour l’attendrir, car lorsqu’elle vient d’être tuée, elle est la plupart du temps dure. » Elle symbolise l’hospitalité, les valeurs festives, et il faut une occasion pour la consommer. Si elle s’impose dans l’imaginaire collectif, les tables de France l’attendront en vain, au grand dam de Louis Sébastien Mercier, qui s’exclame dans les années 1780 : « Et la poule au pot qu’on m’avait annoncée ? Elle viendra, car sûrement on y travaille, cette poule au pot est encore dans l’œuf. »
LA TENDRE POULARDE DES LUMIÈRES
La poule n’a pas sa place sur la table des gourmets. On lui préfère la poularde, qui est une jeune poule que l’on engraisse. « Pour qu’elles soient bonnes, il faut qu’elles n’ayent point encore pondu », explique Menon dans La Science du maître d’hôtel cuisinier (1749). Autant « la chair d’une vieille poule est dure, sèche, et de difficile digestion, quoiqu’elle soit très bonne pour les bouillons, autant celle de la poularde est tendre, succulente, et facile à digérer ». Ce que confirme le Dictionnaire portatif de cuisine (1767), qui la donne pour « plus délicate, plus succulente, plus nourrissante et d’un goût plus fin que la poule et le poulet ». On apprécie celles du pays de Caux, de l’Anjou, du Berry et du Mans. On l’apprête de diverses manières : à la braise, à la broche, à l’étouffade, en daube, farcie, à la crème, aux olives, aux champignons, aux concombres farcis, aux écrevisses, aux huîtres, etc. Celle « à la minute » se confectionne dans une casserole avec des oignons émincés et des bardes de lard. La poularde est disposée dessus et assaisonnée avec du sel et du poivre ; accompagnée d’un bouquet garni, de ciboules, d’ail et de girofle, puis mouillée avec du bouillon et un verre de vin de Champagne. La cuisson se fait à petit feu. Et au moment de dresser il faut ajouter une cuillerée de coulis dans le jus, faire bouillir puis dégraisser, avant de passer le tout au tamis et de le mettre « sous la poularde avec un jus de citron ». (historia 2017)